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Norme ISO 16128 : guerre au pays des cosmétiques bio 1/2

Épisode 1 sur 2 : la norme iso 16128 ou le retour du greenwashing

L’année 2018 a vu se dérouler une petite révolution dans l’industrie cosmétique avec la publication d’une nouvelle norme internationale, répondant au doux nom de ISO 16128. Son objectif ? Harmoniser la définition du bio dans les cosmétiques. L’intention est louable, puisque les mentions “bio” sur les produits cosmétiques n’ont jusqu’ici fait l’objet d’aucune harmonisation internationale.
Cependant de nombreux acteurs historiques du bio, l’association Cosmebio en tête, se sont mobilisés contre la publication de cette norme qu’ils considèrent comme un recul et un danger potentiel pour le consommateur. Pourquoi cette guerre au pays du bio ?

La norme ISO 16128 : les industriels à la manœuvre

En 2010, les acteurs européens de la cosmétique conventionnelle décident de travailler à la définition d’un cosmétique naturel et bio – pour rappel, certains ingrédient comme l’eau présente en grande quantité dans la plupart des cosmétiques ne peuvent être “biologiques”, mais entrent dans la catégorie des “ingrédient naturels”. C’est l’association européenne de la cosmétique conventionnelle Cosmetics Europe qui est alors désignée comme experte sur le dossier. Cette dernière suggère la constitution d’un groupe de travail ISO, dont le processus de décision prévoit le vote de 28 délégations nationales.
Titrée “Lignes directrices relatives aux définitions techniques et aux critères applicables aux ingrédients et produits cosmétiques naturels et biologiques”, la norme ISO 16128 est composée de deux parties.
La première (ISO 16128-1:2016) divisent les ingrédients cosmétiques naturels et biologiques en 4 catégories :

  • Biologiques : ingrédients naturels issus de l’agriculture biologique ou de récolte sauvage
  • Dérivés biologiques : issus de l’agriculture biologique, ou de matériaux en partie d’origine naturelle et en partie issus de l’agriculture biologique, procédés chimiques et/ou biologiques définis visant à les modifier chimiquement, aucune partie fossile
  • Naturels : végétaux, animaux, micro-organismes, minéraux
  • Dérivés naturels : traitement chimique de substances inorganiques naturellement présentes sur Terre, composition chimique identique à celle des ingrédients minéraux naturels.

La seconde (ISO 16128-2:2017) permet de calculer les indices rattachés à ces différentes catégories d’ingrédients et ainsi de déterminer le pourcentage d’ingrédients bio ou naturels dans le produit fini.

Levée de bouclier des acteurs du bio

L’association Cosmebio et le certificateur Ecocert, à l’origine du référentiel européen Cosmos -avec BDIH, ICEA, et Soil Association- intègrent le groupe de travail comme membres de la délégation française. Avec une ambition affichée : faire valoir leur antériorité sur le bio, et imposer le référentiel Cosmos comme base pour la rédaction de la norme ISO 16128. Ils se voient alors imposés une fin de non-recevoir par le groupe de travail constitué en grande majorité de grands acteurs de la cosmétique conventionnelle. Ils quittent la table des négociations en janvier 2017.
Les acteurs du bio se sont en effet rapidement opposés à une norme conçue dès son origine comme particulièrement accommodante pour les industriels. Avec la norme ISO 16128, pas de référentiel, pas d’ingrédient interdit, pas même les produits issus de la pétrochimie, largement combattus par les acteurs historiques du bio… et pas de contrôle ni de certification, pour une norme d’application volontaire qui n’est inscrite dans aucune législation.

Une définition floue et non exclusive du bio

La norme ISO 16128 est conçue de manière à valoriser la présence d’ingrédients biologiques et naturels. Contrairement aux référentiels bio, elle ne pénalise pas la présence d’ingrédients considérés comme nocifs par les acteurs du bio.
Ainsi la norme ISO 16128 laisse toute latitude à une marque pour mettre en avant la présence d’ingrédients biologiques, même dans le cas où son produit contiendrait, par exemple, des conservateurs largement mis en cause par ailleurs comme le phénoxyéthanol, des parabènes ou encore des Organismes génétiquement modifiés – les OGM étant considérés comme des ingrédients naturels.
Plus étonnant, des ingrédients ayant un subi un processus de transformation polluant et potentiellement dangereux pour la santé humaine sont considérés par la norme ISO comme “ingrédients naturels”. Seule condition : contenir 50% de matières premières naturelles. Un jeu d’enfant pour les chimistes des grands groupes cosmétiques ! Les silicones, interdits par la charte Cosmebio, entrent ainsi dans la catégorie des ingrédients naturels…

Le retour du greenwashing ?

Loin de se limiter à une querelle de scientifiques, la publication de la norme ISO 16128 est une aubaine pour les communicants. La simple présence d’un ingrédient bio ou naturel autorise désormais une marque à afficher son produit comme bio. Charge aux experts du marketing d’imaginer une stratégie pour vendre aux consommateurs ce “bio” qui n’en est pas vraiment.
Couleurs pastels, petites fleurs, champs de lavande et autres promesses de nature : les rayons voient fleurir ces packaging qui copient les codes du bio. Un retour du greenwashing qui se heurte cependant à des évolutions sociétales, alors que de plus en plus de consommateurs informés ont appris à chercher sur les emballages les labels garantissant la qualité d’un produit cosmétique et scannent les codes barres à grand renfort d’application smartphones.
Norme ISO contre labels bio, le match est lancé !
Episode 2 : Sacrés Labels
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