Recherchez …
HAUT
Rencontres

Serge De Oliveira : « Parfumeur, c’est un métier passion »

À 36 ans, Serge De Oliveira est parfumeur à Grasse où il travaille pour Robertet, l’entreprise leader des matières premières naturelles pour la parfumerie. Il a récemment signé de nombreuses fragrances 100% naturelles pour 100BON, Pur Eden, ou encore Ormaie. Il nous en dit plus sur son parcours de parfumeur et sa manière de travailler.

Comment devient-on parfumeur ?

C’est très compliqué. C’est le rêve de beaucoup, mais très peu y arrivent. C’est avant tout un métier passion, mais la volonté et la persévérance comptent beaucoup. Il y a aussi une énorme part de chance. Par exemple, si je n’étais pas arrivé chez Robertet, peut-être que je n’aurais pas eu l’opportunité de devenir parfumeur. Cela se joue parfois à très peu de choses. J’ai rencontré les bonnes personnes qui ont remarqué ma passion et cru en moi.

Quel a été votre parcours ?

Mon parcours est atypique. J’ai étudié à l’ISIPCA, mais je n’ai pas de master, pas de bac+5 en chimie. J’ai un Bac Pro Bio Industries de Transformation et un BTS Pharmacie & Cosmétique Industrielle. Suite à mon Bac Pro j’ai fait une année de préparateur en parfumerie sur 1 an à l’ISIPCA. C’est pour cela que cela a été très long. J’ai notamment travaillé chez L’Oréal et Dior au développement parfum après la validation des jus chez le fournisseur, sur la mise en stabilité et les couleurs en lien avec le marketing. Ensuite, j’ai travaillé chez Chanel au contrôle qualité olfactif. Il y a 8 ans, je suis entré chez Robertet comme assistant parfumeur. Ce poste, c’est la meilleure des écoles : on passe du temps avec les parfumeurs, on ne fait que sentir, on est toujours au contact des matières premières, et on a l’opportunité de rester le soir pour formuler. Être parfumeur, c’est un apprentissage de chaque jour. Il y 1500 matières premières répertoriées à ce jour. Il ne faut pas toutes les connaître sur le bout des doigts, mais si on me parle d’une matière première, je dois savoir ce qu’elle sent. C’est un apprentissage qu’un assistant fait sans le vouloir puisque chaque jour il utilise des matières premières, il les sent avant de les incorporer : c’est une très bonne formation.

En termes de créativité, comment faites-vous pour trouver de nouvelles inspirations, vous renouveler ?

Cela peut paraître bateau, mais c’est essentiel pour un parfumeur : on se renouvelle avec nos voyages, des visites de musées, de villes, nos repas, des matières, des textures, la mode … En fait tout peut être, doit être source d’inspiration ! C’est la première chose. Ensuite, un parfumeur doit constamment se tenir au courant de de qui se passe sur le marché. Il y a beaucoup de réunions autour des nouvelles sorties, des tendances à venir, comme dans la mode. Cela nous permet de présenter aux clients les dernières tendances.

Vous avez créé beaucoup de fragrances en 100% naturel récemment. Travaille-t-on différemment les matières premières naturelles des synthétiques ?

Complètement. C’est une parfumerie totalement différente. Robertet est leader des matières premières naturelles : nous avons la chance d’en avoir énormément à notre disposition. C’est plus complexe de travailler du 100% naturel, parce que ça demande plus de temps. Les matières mettent plus longtemps à s’assembler les unes aux autres. Pour du synthétique, une nuit suffit pour la macération. Pour le naturel, une à deux semaine sont optimales, pour que les matières s’assemblent les unes aux autres et qu’il y ait une homogénéité qui se fasse. L’autre difficulté c’est qu’il nous manque les matières premières utilisées dans tous les parfums actuels, comme les muscs pour le long lasting. Les clients veulent des parfums qui tiennent. C’est un challenge pour nous.
On travaille aussi sur l’aspect rondeur du parfum. Dans le synthétique on l’apporte avec des muscs, dans la parfumerie naturelle avec des notes orientales, de la vanille, du tolu … Cela permet de rester dans les codes. Aujourd’hui on travaille le naturel pour avoir le même résultat qu’avec du conventionnel. C’est le but : apporter le même confort, le même plaisir d’utilisation. Cependant, il faut éduquer les autres clients au naturel leur expliquer que malgré tout, les parfums naturels tiendront toujours moins que les parfums synthétiques. Même un benjoin ou une vanille bourbon absolue ne rivalise pas avec un musc synthétique, type galaxolide.

Vous parfumez également des cosmétiques : comment travaille-t-on leurs odeurs ?

De la même façon que pour le parfum, mais le rendu olfactif est différent selon la base du client. Les bases naturelles sont souvent plus difficiles à couvrir, parce qu’elles ont des odeurs plus fortes. Pour prendre un exemple, nous avons déjà travaillé sur un gloss naturel qui sentait un peu le gaz, alors qu’en cosmétique conventionnel, ce type de produit a une odeur de gras assez neutre.

Existe-t-il des notes que l’on ne peut pas créer en naturel ?

Les notes musquées. On n’a qu’un seul musc en naturel : l’ambrette. Il coûte très cher et n’a pas le même impact que les synthétiques. Les notes fruitées, florales, boisées … tout cela est possible. Les chypres également. Le naturel se développe tellement qu’il y a de moins en moins de choses que nous ne sommes pas capables de faire. Quasiment tout est faisable, mais on n’aura pas les mêmes aspects. Notre équipe de recherche travaille en permanence à la découverte de matières et en développe de nouvelles. En ce moment, nous sommes à la recherche d’une matière marine, en alternative à la calone. L’idée est de retrouver l’aspect iodé avec une algue de type fucus.

Quelles sont les notes que vous préférez travailler ?

Curieusement, j’aime beaucoup les notes qui peuvent paraître sombres comme le patchouli, le vétiver. Ce sont celles qui m’attirent le plus.

Travailler uniquement en naturel a-t-il un impact sur la créativité ?

Cela bride énormément, parce qu’on a une palette moins étoffée. On essaie de trouver des parades. Par exemple, pour donner un aspect solaire à un parfum, on va utiliser des molécules qui a priori ne seraient pas utiliser pour ce genre de notes, mais qui ont ces facettes. Ce sont des matières qui peuvent nous faire penser à un moment particulier de notre vie, à la plage …

Souvent on oppose luxe et naturel. Pensez-vous que cela va changer ?

Je suis certain que les marques de luxe vont de plus en plus se tourner vers le naturel. Notamment des acteurs que l’on n’attend pas, mais qui vont se lancer. Il y une réelle attente du consommateur. De nouvelles marques, comme 100BON viennent bouleverser le marché et font changer les choses. Les grands groupes se mettent au bio que ce soit pour les gels douche, les shampooings … Le parfum va suivre.

On peut avoir des créations aussi recherchées et travaillées avec du naturel ?

Oui, c’est notre défi. J’ai travaillé pour la marque Ormaie, qui fait des parfums naturels avec un positionnement luxe. Les fondateurs avaient une demande : que leurs clientes ne se rendent pas compte que c’est du naturel, qu’elles puissent avoir le même coup de coeur pour leurs parfums que pour La vie est belle de Lancôme, par exemple. Le but recherché est le suivant : que l’aspect plaisir soit identique sur du 100% naturel ou du synthétique. Après, certains parfumeurs n’aiment pas travailler en 100% naturel, ils n’y croient pas. Chaque parfumeur a sa sensibilité à la nature, au bio … Pour certains le parfum, c’est forcément du synthétique et du naturel. Et sans synthétique pour certains, un parfum n’est pas bon. Il ne sent pas eux, tout simplement. Moi j’y crois. C’est un challenge mais aussi un plaisir.

[mc4wp_form id= »9184″]

 

«

»

Laissez un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *